Les maîtres d’ouvrage à l’épreuve du BIM
Comment travailler en BIM ? Pour quels projets, avec quels outils et quelle organisation ?
Trois maîtres d’ouvrage – Habitation Moderne, CKD – Groupe La Tour et Néolia – partagent leur vision et leur expérience dans le cadre d’un petit-déjeuner proposé par le Club BIM-ÉNERGIE. Synthèse de leurs échanges.
Nouveaux modes de travail, nouveaux modèles d’organisation, représentation digitale des caractéristiques physiques et fonctionnelles d’un bâtiment, réalité virtuelle sur les chantiers : le BIM – Building Information Modeling est-il l’avenir de la construction ? La numérisation du secteur du bâtiment est en route depuis plusieurs années et modifie profondément les méthodes de travail tout au long de la conception, de la construction et de l’exploitation d’un bâtiment. Le partage d’informations, l’échange de données structurées, l’intervention sur un seul et même modèle, la visualisation numérique d’un projet sont au cœur de l’outil BIM qui crée une nouvelle philosophie d’équipe entre tous les acteurs de la construction. Le plus dur : changer les habitudes et les réflexes.
« Nos attentes étaient fortes : facilité de travail en mode collaboratif, maquette lisible et opérationnelle, gain de temps en phase chantier, communication sur notre démarche (…) La principale difficulté est de faire accepter le changement de méthodologie et à le partager avec nos partenaires. C’est une démarche de management, qui s’inscrit dans une stratégie de passage au BIM et demande un investissement financier mais encore plus humain » Antoine Cavelier – Habitation Moderne
Pour Habitation Moderne, l’expérience BIM a commencé en septembre 2016 dans le cadre d’un projet de construction mixte – résidentiel et commercial. « Dès lors qu’il s’agissait de travailler en BIM, nous avons sélectionné un maître d’œuvre sur sa capacité à développer cette approche », décrit Antoine Cavelier, responsable BIM. Et nous nous sommes rapprochés du Pôle Fibres-Énergivie pour l’assistance à maîtrise d’ouvrage.
Un poste clé : le BIM manager
Nos attentes étaient fortes : facilité de travail en mode collaboratif, maquette lisible et opérationnelle, gain de temps en phase chantier, communication sur notre démarche. Le retour d’expérience a permis de valider certains objectifs, comme la qualité du travail collaboratif et la lisibilité de la maquette numérique. Mais nous avons aussi pointé des lacunes, notamment la faible définition de nos besoins et le manque de préparation de nos équipes : pas d’outils de suivi ni de visualisation, pas de formation en interne. À l’aune de ces constats, nous avons lancé le pôle Fibres Energivie un audit sur la mise en œuvre d’une stratégie globale BIM entre décembre 2017 et septembre 2018. À la clé, la nomination d’un référent BIM, la mise en place d’un comité de pilotage et d’un comité de suivi du déploiement du BIM, qui impacte la stratégie digitale de l’entreprise. Et c’est en janvier 2019 que la démarche BIM a été déployée. Un plan en plusieurs étapes :
- montée en compétence du référent BIM,
- rédaction de la charte BIM,
- formalisation des processus métiers,
- ajustement du parc informatique.
Nous sommes aujourd’hui dans une période de transition qui vise à former l’ensemble des collaborateurs et à connecter le BIM aux projets de l’entreprise. La principale difficulté est de faire accepter le changement de méthodologie et à le partager avec nos partenaires. C’est une démarche de management, qui s’inscrit dans une stratégie de passage au BIM et demande un investissement financier mais encore plus humain. »
Les datas, nouvel or du bâtiment
Notre vision du BIM est celle d’une synergie collaborative autour de l’ensemble des acteurs du processus de bâtir (…) La planification, la gestion des réserves, les réunions de chantiers ont gagné en mobilité et en efficacité. Florent Kesser – CKD
Chez CKD, une entreprise générale de construction, les dirigeants ont une conviction : le BIM sera incontournable. « Il faut donc l’anticiper pour être en mesure de répondre à ce nouveau standard », insiste Florent Kesser, directeur général. L’entreprise a signé sa première opération « full BIM » en 2016 : 42 logements neufs à Sigolsheim. « Notre vision du BIM est celle d’une synergie collaborative autour de l’ensemble des acteurs du processus de bâtir. Grâce à la modélisation, tout est vérifiable. Il est facile de comprendre les problématiques de chacun et de réaliser la synthèse. Mais cela suppose en contrepartie une méthodologie et une organisation BIM articulées par le BIM manager. Ce travail collaboratif permet d’optimiser la conception par la détection des clashs. Il s’agit en quelque sorte de construire avant de construire avec un maximum d’informations pour prévenir d’éventuels problèmes en chantier. L’ensemble des intervenants travaille de manière interactive. Les relations entre partenaires deviennent plus intelligentes grâce à la communication en BIM. La planification, la gestion des réserves, les réunions de chantiers ont gagné en mobilité et en efficacité. » Alors, une révolution le BIM ? Pour Florent Kesser, les datas sont le nouvel or du bâtiment :
« Le véritable enjeu porte sur l’exploitation, la gestion technique du patrimoine et la maintenance prédictive des bâtiments. Nous ne sommes qu’au début d’une nouvelle ère et comme l’évoquait Saint-Exupéry, il ne s’agit pas de prévoir l’avenir mais de le rendre possible. »
« L’attentisme est encore de rigueur »
Passer d’un BIM construction à un BIM exploitation : une vision partagée par Dan Steinfeld, directeur territorial de Néolia, une société HLM à la tête d’un parc de 28 000 logements en Alsace et en Franche-Comté. « Le concept d’accession sociale à la propriété a modifié notre conception de la construction, rappelle Dan Steinfeld. L’approche est moins standardisée que pour le logement social et aujourd’hui nous travaillons une partie de nos programmes en BIM, essentiellement sur des chantiers complexes. Nous avons une vision globale et détaillée qui permet d’être synthétique en conception, en chantier et en maintenance. La communication se fait en temps réel et facilite le travail collaboratif. L’information est mutualisée avec une réduction maximale des erreurs. On peut vérifier très en amont si la cohérence du projet, les critères financiers et les délais de construction sont respectés.
L’enjeu est de faciliter l’adoption du BIM par le plus grand nombre pour permettre un véritable bond qualitatif et quantitatif
Le BIM révolutionne nos pratiques et transforme nos modes de construction. Aller en BIM, c’est acheter des données que tous les acteurs d’un chantier vont partager. Chaque intervenant intègre ainsi les modifications dont il est responsable et qui sont transmises automatiquement aux entreprises. Pour autant, la démarche reste l’apanage de professionnels convaincus. Tous ne sont pas formés au BIM et l’attentisme est encore de rigueur. L’enjeu est de faciliter l’adoption du BIM par le plus grand nombre pour permettre un véritable bond qualitatif et quantitatif. »
Les professionnels du bâtiment et du BIM sont au rendez-vous du Club BIM Energie