BIM et commissionnement : quelles conditions pour assurer une démarche de qualité totale ?

Nous avons demandé à David Corgier, directeur général chez Manaslu Ing., de réagir sur la démarche de commissionnement et sa place dans une méthodologie BIM. De la nuance nécessaire entre commissionnement et commissioning à la nécessité des retours d’expérience, comment l’exploration des potentialités associés au BIM permet la mise en oeuvre d’une démarche qualité totale dans l’objectif de garantir la conformité du bâtiment livré à son cahier des charges ?

table tactile bim

1. Commissionnement & Commissioning

Le commissionnement a été défini comme :

« L’ensemble des tâches afin qu’une installation neuve atteigne le niveau des performances contractuelles et créer les conditions pour les maintenir. » (Mémento du commissionnement, 2008, COSTIC, ADEME, FFB).

Le « commissioning », au sens anglo-saxon, doit être interprété de la sorte :

La mise en œuvre d’un outil de management de la démarche de « qualité totale » durant tout le cycle de vie du bâtiment, à minima de la programmation jusqu’à sa livraison. Une phase de monitoring est généralement intégrée aux premières années de la phase d’exploitation en vue de vérifier la conformité de l’exploitation par rapports aux attendus.

Les expériences récentes d’opérations de bâtiments performants, ayant fait l’objet d’un commissioning et d’un monitoring, démontrent que :

  • La méthodologie de commissioning est efficace à condition d’opérer des vérifications fréquentes et exhaustives et un suivi d’exploitation basé sur l’analyse dynamique de données de monitoring,
  • La complexité technique et organisationnelle des projets bâtiment et la masse d’informations à maîtriser dépassent souvent les capacités cognitives des acteurs intervenant sur les projets. Ceci est exacerbé avec la problématique récurrente des transitions entre chaque phase et chaque acteur (exemple de la phase de livraison),
  • La nécessité de tracer et d’historiser toutes les décisions et les événements survenus durant le projet depuis la conception jusqu’à la livraison puis en phase d’exploitation, est une condition sine qua non de réussite,
  • Il y a un réel intérêt à disposer d’une grande quantité de données de mesure des paramètres du bâtiment et des équipements, autant lors de la réception qu’au cours de l’exploitation. Ceci permet d’appréhender les phénomènes physiques et rendre objectives et fiables les analyses de performance,

Par conséquent, la mise à disposition d’un outil digital tel que le BIM présente une réelle opportunité pour faciliter la généralisation de la démarche de commissioning et garantir son efficacité.

2. Le BIM et les potentialités associées

Pour que la généralisation du BIM, pour « Building Information Modeling », représente un appui réel au commissioning, il est primordial de pouvoir disposer d’une base de données complète décrivant non seulement le bâtiment, ses équipements, et les matériaux, mais également toutes les informations relatives au déroulement du projet sur tout son cycle de vie.

En effet, le BIM est très souvent assimilé à une maquette 3D composée d’un assemblage de composants, caractérisés par des attributs tels que les références fournisseur, le coût, la couleur, les propriétés physiques, etc. formant une base de données conséquente. Cette maquette est alors imaginée principalement comme un outil de visualisation, complété d’une nomenclature, pour :

  • Evaluer la conformité architecturale, et disposer une synthèse complète entre les lots et corps d’états, aux stades de la conception et des études EXE,
  • Proposer aux clients potentiels des rendus préalables à la livraison,
  • Assister l’exploitant pour identifier les organes et équipements non visibles et/ou inaccessibles, et assurer des opérations de maintenance avec des l’appui de la Réalité Virtuelle,
  • Exploiter la nomenclature pour des activités de chiffrage, d’inventaire ou de recherches de références.

Bien qu’utiles et prometteuses, ces potentialités laissent encore une marge de progrès immense aux acteurs du bâtiments sur la voie de l’amélioration de la qualité et de la productivité des opérations.

3. Le BIM et le commissioning

Pour explorer ces potentialités, il convient d’appréhender correctement le commissioning, sans se méprendre sur ses objectifs qui sont de garantir la conformité du produit bâtiment livré à son cahier des charges.

Si le BIM se concrétise comme une suite de processus permettant un travail commun et collaboratif, et ce, sur le cycle de vie d’un bâtiment, il sera utile pour déterminer qui fait quoi, comment et à quel moment, et avec quel objectif. Bien entendu, ceci implique un contrôle exhaustif de la qualité des données du BIM, sans lequel l’atteinte du résultat ne pourra être garantie malgré le couplage « BIM + commissioning ».

Il est par conséquent crucial de considérer l’adoption simultanée du BIM et du commissioning comme une l’opportunité d’embarquer le pilotage de la qualité totale dans la dimension digitale, permettant d’imaginer l’adoption de nouvelles solutions numériques pour :

  • Organiser les tâches de chacun,
  • Établir un historique des décisions et des actions,
  • Automatiser certaines tâches chronophages,
  • Fiabiliser les opérations de mise en service, mise au point et réception,
  • Evaluer en continu la conformité du pilotage des installation et des usages en exploitation,

Cette dimension digitale s’appuiera sur l’exploitation d’une panoplie complète d’outils digitaux déjà disponibles et exploités dans l’industrie comme le marquage RFID, le scanner laser, les drones et autres moyens de visite pour réalisation d’état des lieux à distance en automatique ainsi que les casques de réalité virtuelle, etc..

Les informations ainsi générées, détaillant toutes les données de mesure de contrôle de la conformité, seront alors centralisées sur la plateforme BIM commune, rendue accessible à tous en temps réel. Ainsi, l’exploitation de ces données permettra d’être en mesure d’adapter rapidement l’activité des ressources présentes sur site pour traiter les taches devenues critiques et prioritaires grâce à l’expertise qu’elles apportent. Ce ré-ordonnancement des taches en « quasi-temps réel » pourrait alors devenir une réalité, laissant espérer des gains notables sur le temps consacré aux contrôles de conformité sur le chantier, ou sur l’engagement d’opérations de maintenance corrective en exploitation.

4. L’absolue nécessité des retours d’expériences

Un point d’attention reste tout de même la nécessité de mettre au point les pratiques et méthodes de commissioning sur la base de travaux objectifs d’évaluation du type « retour d’expérience scientifique » de monitoring des bâtiments en exploitation. Car, si les attendus du commissioning sont la délivrance d’une validation d’un bâtiment, basée sur l’évaluation de la conformité de son enveloppe et de ses équipements, puis de la performance en exploitation, il est essentiel de disposer d’indicateurs de performance robustes et chiffrés. Pour cela, il est crucial de disposer d’outils d’évaluation performants et d’une méthode permettant d’objectiver les mesures sur site et de s’affranchir des paramètres environnementaux ou comportementaux des occupants. Sans cela, les indicateurs ne permettront pas de juger de la conformité et le pilotage de la qualité ne pourra être satisfaisant en raison des incertitudes rémanentes.

Schéma commissionnement BIM

De ce fait, les opérations d’expérimentation de bâtiments équipés de capteurs pour réaliser des campagnes de monitoring « transparentes » restent d’actualité du fait de la nécessité de disposer d’un échantillon représentatif de données expérimentales en vue de :

  • Disposer d’indicateurs de performances fiables et objectifs sur les solutions mises en œuvre,
  • Mettre au point les outils d’évaluation de type simulation énergétique dynamiques, ou autres, validés par l’expérimental
  • Optimiser les méthodes de commissioning en disposant de retours d’expériences valant référence pour la criticité de certains sujets à risques,
  • Bâtir des référentiels de commissioning locaux par type d’usage ou de solution à disposition des filières et faire en sorte qu’ils soient connus de tous et adoptés,
  • Préparer les filières en vue d’embarquer la dimension commissioning dans le BIM avec les potentialités associées.