« Travailler en BIM doit être une démarche collective »

Dans le secteur du bâtiment, Knoll est un acteur de l’innovation, très tôt converti au BIM. « Mais cette démarche est encore insuffisamment partagée sur les chantiers » souligne Brice Knoll, chef de chantier, qui pointe les freins à la généralisation du BIM.

Sur quels types de chantier travaillez-vous ?

Notre entreprise de gros œuvre, installée à Beinheim, intervient pour les collectivités, les bailleurs sociaux, les promoteurs immobiliers et les industriels. Notre champ d’action s’étend de Wissembourg à Strasbourg. Nous réalisons en moyenne quatre chantiers par an, qui vont par exemple de la construction d’un collectif de 30 logements à la réalisation d’une maison médicale ou la réhabilitation d’un bâtiment industriel. La mise en œuvre de ces projets exige une constante disponibilité qui suppose une proximité géographique avec les artisans engagés sur ces opérations. Notre stratégie s’appuie sur une équipe soudée et polyvalente consciente de sa responsabilité en matière d’urbanisme et d’impact sur l’environnement. Notre approche n’est pas purement industrielle ni standardisée. Nous sommes, au contraire, particulièrement attentifs à l’optimisation des surfaces de circulation, la durabilité de nos bâtiments et la réduction des coûts énergétiques et d’entretien.

 

Comment votre entreprise s’est-elle convertie au BIM ?

C’est précisément cette volonté d’aller de l’avant partagée par l’équipe et cette prise de conscience d’une évolution inéluctable vers le numérique qui ont poussé Knoll à se convertir au BIM. Nous constatons que la compétence BIM est de plus en plus requise dans les appels d’offre publics. Dès 2011, nous avons pris le virage du numérique et investi dans un logiciel Revit 3D pour développer la construction en BIM. Une vraie révolution mais parfaitement assumée. Nous avons mis à jour notre matériel informatique et toute l’équipe s’est formé à l’utilisation du logiciel. Mais cette évolution et cette démarche sont loin d’être partagées sur les chantiers. Nous utilisons la 3D pour nos plans mais il n’y a pas de synergies avec les autres métiers comme les installateurs sanitaires, les électriciens ou les poseurs de sols qui se contentent généralement de documents en 2D. En fait, nous n’utilisons que l’écume du logiciel 3D alors que le potentiel est immense.

 

Quels sont, selon vous, les freins à la généralisation du BIM ?

Comme pour toutes les idées nouvelles, il faut du temps pour les intégrer. Cela implique aussi des investissements et de la formation qui peuvent freiner les petites entreprises. La difficulté réside également dans la nécessité de spécialiser une personne dans l’utilisation des outils numériques alors que notre cœur de métier demeure la construction. La problématique des formats de fichiers peut aussi constituer un obstacle. L’échange de données se fait sous le format de fichier IFC mais la conversion des informations sous ce format standard peut générer des erreurs. Travailler en BIM doit être une démarche collective qui impose à chacun des intervenants de se remettre en question, d’interroger ses méthodes et ses pratiques.

 

La tendance peut-elle s’inverser ?

Oui. Mais il faut reconnaître que le numérique est plus porté par le politique et la maîtrise d’ouvrage que par les architectes et les bureaux d’études. Or, s’agissant d’un chantier, il faudrait qu’un maximum d’entreprises qui interviennent dans les lots techniques soient équipées. Les choses peuvent changer quand on voit les avantages du BIM en termes de collaboration, d’efficacité des interventions, de qualité des prestations, d’agilité et de fiabilité avec la capacité de scénariser et de gérer en temps réel un projet. Toutes les informations sont visualisées immédiatement et partagées, chacun connaît l’avancement du chantier et les points d’amélioration et de modification. Songez, à titre de comparaison, que le dernier sous-marin nucléaire français a été conçu en quelques mois à peine grâce à l’apport du BIM. Le numérique permet de calculer et d’analyser plus vite, d’optimiser et d’adapter le projet plus facilement. Je suis convaincu que le secteur du bâtiment peut rattraper le temps perdu. Chaque fois que je mesure les avancées dans notre travail grâce au BIM, je me dis que nous sommes dans le vrai.

 

« Faute de synergies avec d’autres entreprises, nous n’utilisons que l’écume du logiciel 3D alors que le potentiel est immense. »