Club BIM-ENERGIE | Petit-déjeuner du 24 septembre 2020

Le BIM au cœur des chantiers pour gagner en temps, en efficacité et en sécurité : une réalité qui s’impose progressivement aux entreprises. L’arrivée de nouvelles solutions numériques adaptées aux travaux marque un tournant dans l’utilisation du BIM. Explications et témoignages.

« Les entreprises ont tout à gagner à travailler en BIM sur leurs chantiers », assure Philippe Jacglin, chef de projet BIM au Pôle Fibres-Energivie, en ouverture du petit-déjeuner. « Mais il leur faut s’approprier les concepts de maquette numérique et de processus BIM pour en tirer tous les avantages. Car le BIM, ce n’est pas seulement de la 3D, c’est aussi de l’organisation, du management qui fait interagir tous les acteurs d’un chantier. Une nouvelle façon de travailler autour d’une maquette 3D du chantier qui facilite les échanges et la compréhension de tous. »

 

Mais si les entreprises générales ont majoritairement franchi le cap, il n’en est pas de même pour les artisans. Hommes de terrain, leur valeur ajoutée n’est pas sur la maîtrise de l’informatique mais bien sur la maîtrise des méthodes de construction.

Brice Knoll, chef de chantier au sein de l’entreprise de construction Knoll basée à Beinheim, le constate chaque jour.

« Par rapport à des secteurs comme l’automobile, l’aéronautique ou la construction navale, le BTP est très en retard. Les habitudes de travail sont très ancrées dans les professions du second œuvre qui rechignent à investir en matériels et en formation pour se convertir au numérique. C’est un paradoxe, car les bâtiments ont considérablement évolué au cours des dernières années alors que les méthodes de travail ont peu changé. Pourtant, face à des bâtiments toujours plus complexes où l’électronique est partout, le BIM représente une avancée majeure sur les chantiers. Depuis 2012, nous avons pris le tournant du numérique et investi dans un logiciel Revit 3D conçu par Autodesk pour travailler en BIM sur nos chantiers. Le potentiel est immense. La visualisation 3D facilite la compréhension de l’ouvrage. Les informations sont partagées. L’électricien, par exemple, sait où il doit passer ses gaines. Dans une maquette 3D, on incorpore toutes les réservations. C’est un gain de temps considérable dans un bâtiment connecté où les passages de câbles sont multiples. En travaillant en BIM, on détecte aussi plus rapidement les problèmes entre les corps d’État. Tout est amélioré et optimisé grâce une meilleure conception, une meilleure préparation de chantier et donc une meilleure organisation. Fini les déplacements inutiles sur les chantiers, les décalages et les retards de livraison liés à des interférences mal gérées et visibles au dernier moment. »

 

« Finalement, la question n’est pas si je fais du BIM ou pas, mais quand, comment et surtout avec qui. »

« Tout est visualisé au bon moment et communiqué à l’ensemble des acteurs. Chaque entreprise est ainsi informée en temps réel des modifications apportées. »

Ce n’est pas le moindre de ses avantages : le BIM est un facteur d’égalité et d’agilité. Il vaut à la fois pour le neuf et la rénovation, pour tout type d’ouvrage, pour tout volume de chantier et pour toute taille d’entreprise. Une tablette ou un smartphone suffisent aujourd’hui à l’exécutant pour accéder aux informations principales le concernant. L’informatique devient simple, ergonomique et adaptée. Le sous-traitant n’hésite plus à collaborer et adhère au système. À la clé, un gain de temps et d’efficacité. La maquette numérique est importée sur les tablettes, les professionnels de terrain savent exactement où aller, pour quoi faire et où trouver les matériaux stockés. Tout l’enjeu du BIM est là : compléter la vision théorique de la conception avec l’expérience pratique du chantier.

« Car la réalité est plus nuancée », souligne Brice Knoll. « Comment passer du 3D au bureau au 3D sur le chantier ? La clé du succès, c’est le collaboratif. Mais il existe une vraie fracture numérique parmi les acteurs d’un chantier. Sans oublier les problèmes d’interopérabilité des maquettes qui peuvent constituer un frein supplémentaire. Finalement, la question n’est pas si je fais du BIM ou pas, mais quand, comment et surtout avec qui. »

 

« L’enjeu clé, c’est la vision du chef d’entreprise. Sa compréhension de ce qui ne fonctionne pas dans son organisation, ce qui fait perdre du temps, ce qui est répétitif et ce qui peut être amélioré. »

Dans ce contexte, les éditeurs de logiciels se positionnent sur des solutions innovantes dédiées à l’univers de la construction pour « démocratiser » le BIM. C’est le cas de Bluepad, un concepteur de logiciels de pilotage de projets web-mobile, hautement personnalisables et particulièrement adaptés aux métiers de la construction.

« En France comme à l’international, nous revendiquons près de trois milliards de travaux déjà couverts, affiche Loïc Cueroni, Président de Bluepad. La force de nos solutions, c’est effectivement leur capacité d’adaptation aux métiers contraints de la construction. Les problématiques des entreprises sont multiples, de la politique qualité à la gestion de la sous-traitance en passant par les ressources humaines, la dématérialisation des processus ou encore l’approvisionnement en matériaux sur le chantier. En fait, la question n’est pas de savoir si telle ou telle solution pourrait convenir. Il s’agit avant tout d’amener l’entreprise à réfléchir sur ses besoins et à les identifier. Nos équipes accompagnent les entreprises dans cette démarche d’introspection et parce que nos solutions sont personnalisables, nous sommes en capacité de répondre à tous les besoins. En tant que professionnels du digital, nous observons une grande disparité dans la prise en compte des enjeux numériques parmi les entreprises du BTP. S’agissant du chantier numérique, le BIM est un levier mais c’est une solution parmi d’autres. En particulier, le BIM ne répond pas aux besoins des PME qui ont essentiellement des attentes en termes d’organisation du travail. L’enjeu clé, c’est la vision du chef d’entreprise. Sa compréhension de ce qui ne fonctionne pas dans son organisation, ce qui fait perdre du temps, ce qui est répétitif et ce qui peut être amélioré ».

 

« Le chantier numérique est une évolution inexorable. Les entrepreneurs de la construction sont tous conscients du défi qui les attend. »

« Ensuite, il faut savoir lâcher prise et se lancer en s’appuyant sur un chef de projet motivé. La communication interne est également un facteur de succès important. Il faut donner du sens à la démarche pour emporter l’adhésion des collaborateurs. Il est par ailleurs essentiel de mesurer le retour sur investissement pour finir de convaincre toutes les parties prenantes. Le chantier numérique est une évolution inexorable. Les entrepreneurs de la construction sont tous conscients du défi qui les attend. Ce n’est plus option, c’est une nécessité. Que sont devenues les entreprises, dont les projeteurs ont continué à dessiner à la table à tracer ? »

Autre fournisseur de premier plan : la société Trimble. Elle conçoit et diffuse des solutions CAO pour la construction, des stations d’implantation et des solutions de numérisation comme les scanner 3D ou les logiciels de modélisation. Ses produits phares s’appellent Trimble Nova, Trimble Connect, MEP Content et Stabicad.

« Nous couvrons un large spectre pour répondre à tous les besoins », décrit Axel Duhamel, chef de projet Trimble. « Cela va du logiciel CAO/DAO 3D capable de s’intégrer à des flux de travail BIM à la plateforme collaborative accessible à tous les acteurs d’un chantier et permettant le partage de projets. Notre valeur ajoutée réside dans l’accompagnement des utilisateurs, la formation, le conseil. Nous avons créé une communauté d’utilisateurs qui compte aujourd’hui plus d’un million de membres. Le maître-mot doit être l’anticipation. Les entreprises attendent bien souvent de décrocher le chantier avant de se lancer dans un projet numérique. Or, la formation à des outils comme Revit et Stabicad est complexe et peut prendre plusieurs semaines. Pour les entreprises du BTP, l’appropriation des outils numériques est un élément capital. À n’en pas douter, c’est une véritable transformation qui se dessine pour les années à venir. »

 

Former, c’est motiver

La FFB Grand Est met en place un vaste programme de formation.

« Nous menons un gros travail de sensibilisation », confirme Yannick Madec, animateur métiers régional à la FFB Grand Est. « Car même si la réglementation ne l’impose pas, le BIM est de plus en plus demandé par nos clients et les appels d’offres avec BIM se multiplient. Le BIM n’est pas obligatoire mais s’impose de lui-même sur le marché. Notre rôle est d’aider les entreprises à se mettre à niveau en organisant des formations à l’utilisation du BIM : comment ouvrir les plans, récupérer les informations, interpréter les erreurs, consulter toutes les pièces du marché dans le BIM, identifier les interactions. Tous les métiers sont concernés, y compris le second œuvre. Nous avons créé le site FFBIM.fr afin de démystifier le numérique. Ces formations se prolongent sur le terrain à travers des opérations dédiées à l’expérimentation. Concrètement, il s’agit d’éprouver, en conditions réelles, le BIM dans des programmes réalisés par des bailleurs sociaux. Tous les acteurs impliqués – maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, entreprises, organismes de conseil – sont coachés par des partenaires experts et bénéficient d’un accompagnement adapté à l’état de leurs connaissances. Nous ne sommes qu’aux débuts du BIM. Son développement s’effectue au rythme de chacun, selon son activité, ses objectifs et ses moyens. Mais il signifie un changement profond de pratiques qui nécessite de s’y préparer et d’y participer. »